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UNE ÉPIDÉMIE DE DIARRHÉE ENRAYÉE SANS ANTIBIOTIQUES

PIERRE KIRSCH, VÉTÉRINAIRE DANS LES ARDENNES

Une gestion multifactorielle a permis d'obtenir des résultats sans utiliser d'antibiotiques critiques.

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UN PRODUCTEUR DE LAIT FAIT APPEL À NOS SERVICES pour résoudre un grave problème de diarrhées néonatales. Dans cet élevage de 200 vaches laitières, depuis un mois, la morbidité est proche de 100 % et la mortalité avoisine les 50 %. À mon arrivée, le veau qui a motivé l'appel de l'éleveur est déjà mort et quatre autres sont malades. Une autopsie est réalisée et des matières fécales sont prélevées, également sur les animaux en diarrhée.

Les symptômes apparaissent entre 6 et 8 jours de vie et ils sont le plus souvent foudroyants : des veaux, en pleine forme la veille, sont fortement déshydratés le lendemain matin, voire mourants. Les veaux malades sont traités par l'éleveur de manière conventionnelle en associant réhydratation intraveineuse, orale et agents antidiarrhéiques oraux non antibiotiques.

NE PAS OUBLIER L'IMPACT POTENTIEL DU BVD

En plus de l'identification des agents pathogènes, je propose à l'éleveur de réaliser le relevé des facteurs de risques et d'identifier les points sensibles. La qualité du colostrum n'est pas mesurée et sa distribution n'est réalisée par l'éleveur que si le veau n'est pas vu au pis. Deux prises de sang pour contrôler les anticorps sériques sont effectuées sur deux veaux de 4 et 5 jours de vie, non malades, afin d'évaluer la réussite du transfert d'immunité colostrale. Celle-ci s'avère insuffisante pour le premier veau et correcte pour le second.

Les vaches ne sont pas vaccinées contre les diarrhées néonatales, mais elles reçoivent un complément d'oligoéléments en bolus au tarissement. Les veaux sont mis en lot de 8 à 10 et sont élevés au seau en quittant la mère douze à vingt-quatre heures après la naissance. Les box des veaux sont dans le bâtiment des vaches. Le troupeau n'est pas vacciné contre le BVD et le bâtiment est trop froid pour les nouveau-nés.

Face à cette multitude de facteurs de risques, j'explique qu'il est impératif d'agir à tous les niveaux pour obtenir des résultats probants, d'autant plus que les résultats d'analyses sont alarmants. Dans les matières fécales d'un veau, nous avons retrouvé deux souches de colibacilles, du rotavirus, du coronavirus et des cryptosporidies.

Deux autres souches de colibacilles sont identifiées en association avec les cryptosporidies sur les autres veaux. Un antibiogramme est réalisé pour chaque souche avec des sensibilités et des résistances différentes. Deux molécules demeurent efficaces sur les trois souches, la cefquinome et le ceftiofur, mais ce sont deux antibiotiques critiques. Mes recommandations portent sur trois axes : la réduction de la pression d'infection environnementale et la gestion du colostrum, associées à la prévention sanitaire et médicale. Le curage et la désinfection ne sont pas réalisables en l'état. Nous relançons donc l'utilisation de cinq niches individuelles extérieures. Pour les veaux déjà présents, des zones de confort sont confectionnées avec des plaques d'isolants et des lampes chauffantes. Des séparations pleines sont indispensables entre les vaches et les veaux pour éviter les contaminations par les matières fécales des adultes. Un réfractomètre est mis à disposition pour évaluer la qualité des colostrums. Ces derniers, de bonne qualité, seront administrés le plus tôt possible à raison de 4 l directement à la sonde et une banque de colostrum est réalisée pour compléter ceux de qualité moindre.

En attendant l'arrivée de colostrum issu de mères vaccinées contre les rotavirus, coronavirus et colibacilles, un sérocolostrum est administré aux veaux avant le colostrum maternel.

Enfin, un traitement préventif contre les cryptosporidies à base de charbon activé est mis en place dès douze heures de vie et ce pendant sept jours. Pour finir, il ne faudra pas oublier l'impact potentiel du BVD dans ce genre d'épidémie. Sa recherche et son éradication sont indispensables à moyen terme. Un mois après la mise en place des mesures correctives, la situation s'est nettement améliorée. Des diarrhées sont encore présentes mais sous contrôle de l'éleveur.

La gestion du colostrum a été l'un des trois axes d'intervention : contrôle de sa qualité et utilisation d'un sérocolostrum, en attendant celui issu des mères vaccinées.

© CLAUDIUS THIRIET

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